Syrie :Assad a-t-il déjà gagné la guerre ?
Dans un premier stade, en 2011, l’opinion publique, cette diva légère et capricieuse, pouvait voir chaque vendredi à la télévision des foules syriennes qui manifestaient pacifiquement, malgré les tireurs qui tuaient au hasard. Elle sympathisait avec ces démocrates. Mais, dès que la rébellion prit les armes, puis qu’on commença à y voir des islamistes, la cause de la démocratie à Damas perdit beaucoup de son intérêt. Le battage médiatique autour des jeunes djihadistes partis combattre là bas (on n’approuve pas…) est symptomatique de cette évolution : les enjeux de cette guerre ne sont pas l’affaire des téléspectateurs, qui voient bien les atrocités mais n’en comprennent pas les ressorts. Bref, « ça ne nous concerne pas »…
Le peuple syrien victime du piège géo – politique
Victime de cette forme d’incompréhension des « opinions publiques », le peuple syrien l’est bien davantage du terrible piège de la géopolitique. Au contraire de ce qui s’était passé en Tunisie et en Egypte, où le changement de régime était demeuré une affaire intérieure, tous les ingrédients d’une guerre générale se sont rapidement trouvés réunis autour du cas syrien. Le protecteur russe- une protection qui remonte à l’époque de l’URSS- est bien décidé à soutenir jusqu’au bout le pâle héritier par défaut d’Hafez Al-Assad, mort en 2000 après un règne de trente ans, dans l’exercice d’une dictature de type stalinien, qui confisqua l’idéologie du « parti socialiste de la renaissance arabe » des années soixante.
La famille Assad incarne la minorité des alaouites, sorte de secte dissidente de l’Islam chiite. Les origines du conflit ne sont pourtant pas religieuses : les sunnites majoritaires étaient représentés dans les organes dirigeants du régime. Face à la poussée de l’Iran, théocratie chiite, les monarchies du Golfe, le Qatar et l’Arabie saoudite ont choisi le soutien du soulèvement. L’opposition syrienne est désunie, la tendance des Frères musulmans (insurgés en 1982) y est devenue majoritaire face à l’impuissance des « démocraties » occidentales. Le Liban, avec l’implication dans le conflit armé du Hezbollah, est la prochaine victime toute désignée, et la présence d’Israël comme partie au conflit (Liban, Golan syrien occupé) n’arrange évidemment rien.
Situation bloquée…
S’il y a une preuve à fournir du déclin relatif de l’impérialisme américain, c’est bien le drame syrien. Moscou avait assisté sans joie à la chute de Kadhafi, mais c’était un pion démonétisé. Pour le malheur des Syriens, bombardés, massacrés, torturés, encerclés, exilés, Poutine ne lâchera pas sa carte syrienne. La Russie prend sa revanche sur les humiliations des années nonante. Poutine dispose du veto au Conseil de Sécurité, largement utilisé, fournit l’armement le plus sophistiqué, et n’a aucun scrupule à soutenir un régime aussi abominable. Dans ces conditions, le débat sur la fourniture ou non d’armes à l’opposition armée (mais dont les unités sont mal identifiables) relève de la duperie. La conférence prévue, qu’on peut qualifier de russo-américaine, à ce stade plus ou moins programmée, si elle a lieu, ne débouchera sur rien. Le secrétaire général des Nations- Unies a jeté l’éponge de longue date.
Au point où on en est, la pire solution ne serait pas une sorte de partition territoriale, mettant au moins fin à une tuerie qui aurait déjà fait près de 100.000 morts. De toute façon, Bachar Al-Assad, par aveuglement clanique, a déjà détruit son pays, c'est-à-dire dilapidé l’héritage de son père… Et l’incendie peut encore se propager à toute le Moyen Orient !
Robert Falony
Ps. Solidarité avec les manifestants turcs contre Erdogan et son islamisme !
