France: la crise du PS... et de la République
Il y a deux crises en France: l'une est celle de la social-démocratie, marquée par l'éclatement du PS. L'autre est propre à la France, malade de son régime présidentiel, du système institutionnel instauré par De Gaulle, et qui a vampirisé le parti socialiste, transformant les tendances en écuries de course pour l'Elysée. Le président de la République n'est pas un arbitre, c'est le chef d'une majorité.
Quand Mitterrand est arrivé au pouvoir en 1981, il s'est coulé dans la fonction. Même sans rétablir l'élection du président par l'Assemblée nationale, il aurait pu réécrire la pratique constitutionnelle de façon à ce que le chef du gouvernement tienne la barre, lui et non le président. Le passage du septennat au quinquennat a aggravé la situation. Montebourg peut bien se réclamer avec d'autres de la Sixième République: c'est une formule creuse si on ne change pas de système.
Valls, Hollande, Montebourg
Manuel Valls s'est toujours situé le plus à droite dans le PS. Arrivé dernier à la "primaire", il avait même suggéré de changer le nom du parti... Il reste donc fidèle à son idéologie "sociale libérale" dans ce rôle de Premier ministre musclé que la déroute politique de François Hollande lui a attribué.
Les Français, en 2012, ont voté contre Sarkozy, et pourquoi pas pour ce personnage à l'allure aussi rassurante que rondouillarde? Issu avec Ségolène Royal des hautes écoles élitistes qui fournissent des cadres à l'Etat, il s'est faufilé dans son sillage jusqu'aux hautes sphères du pouvoir élyséen, avec Attali, tout en se créant une base électorale en Corrèze. C'est un solitaire, en ce sens qu'il ne s'est jamais attaché à un courant. Premier secrétaire incolore, mais majoritaire face au problème européen, il a eu l'astuce de partir le premier dans la course à l'Elysée, telle la tortue de la fable, alors que la plupart ne juraient que par Strauss Kahn, encore un fameux "socialiste"! Des imprudences de langage ont laissé supposer qu'il était prêt à se mesurer à la chancelière allemande. En réalité, comme tant d'autres dans la social-démocratie européenne, il misait sur le "retour de la croissance" annoncé par des augures...
Il ne faut pas faire d'Arnaud Montebourg le nouvel héraut de la gauche, mais il est moins myope sur la réalité économique, et s'apparente à un courant plus critique à l'égard de "Bruxelles" et Berlin, comme, semble-il, Renzi en Italie. Quant aux "frondeurs", ils ont le mérite d'exister. Ils seraient peut-être plus disposés à rejoindre le Front de gauche, si celui-ci n'était pas sorti mal en point du scrutin européen, malmené par les états d'âme de Mélenchon.
Tableau d'ensemble
Toute la social-démocratie européenne est en réalité frappée de la même maladie de langueur et d'atonie. Y a-t-il spectacle plus navrant que celui offert par l' inaudible opposition du Labour, face à Cameron? Il faut aller chez les indépendantistes écossais porteurs d'une illusion pour entendre des arguments de gauche. Les socialistes espagnols s'efforcent, eux, de faire oublier l'ère Zapatero. Mais en Grèce, la gauche radicale Syriza a le vent en poupe.
Et ce que ne dit pas la social-démocratie sur l'Ukraine: ni l'Otan, ni Poutine !
Robert Falony